Comment appréhender le monde et l’univers
par Cynthia Nadelman
Incrusté quelque part dans chacune des sculptures de Joe Neill, on retrouve une petite sphère peinte ou un cylindre – de toute façon un noyau coloré. Ce centre nuancé comme une apparition de la Terre observée de l’espace, évoque tout à la fois une image, une atmosphère, une lumière et un art.
En soi, ces couleurs sont autant du domaine de l’art que celui de la science. Comme dans toute l’oeuvre de Joe Neill, elle déploient l’inspiration de l’artiste jouant avec la science. Si Joe Neill témoigne toujours d’un profond respect et d’une réelle fascination vis à vis de la démarche scientifique, c’est essentiellement sur le mode allusif que le travail de Joe Neill se réfère à ses concepts et à ses principes. Cela étant dit, l’artiste se réserve toute possibilité d’interprétation. Dans la réalité, ces constructions ne représentent rien de précis – sauf une conception et une façon d’appréhender le monde et l’univers. Ainsi, la petite sphère représente l’essence de la sculpture, macrocosme ou microcosme selon ce qui l’entoure. Comme la ligne d’un poème, elle peut être la quintessence, le substrat du tout aussi bien que la contingence du tout. Dans cette petite sphère réside l’originalité de la licence poétique de l’artiste.
Lorsqu’on regarde les dessins de Joe Neill, on comprend encore mieux à quel point les petites sphères sont consubstantielles à l’ensemble du travail. On perçoit le lien étroit entre les dessins et la totalité de l’oeuvre sculpturale aussi bien que le rapport des sphères à chacune des sculptures en particulier. Ceci est encore plus évident à partir des couleurs – bien qu’ils soient dessiné au crayon alors que les sphères, elles, sont peintes. Les nuances sont douces et pastel – les couleurs de l’enfance. Elles associent à des ressorts apparement scientifiques, fantaisie et improvisation.
La construction des sculptures lient pragmatisme et rationalité inspirée des scénarios imaginaires, ses dessins sont là aussi sans finalité particulière. Ils peuvent être les esquisses d’une structure multidimensionnelle mais cependant ils n’aboutiront jamais à une quelconque réalisation formelle et plastique. Les dessins comme les sculptures sont des inventions – utilisant les vocabulaires différent – qui ont été développés déconstruisant les formes en même temps qu’ils reconstruisent des modèles du noyau terrestre et de la structure de l’univers. Ils apportent un élément nouveau dans le travail de Joe Neill notamment la description d’instruments imaginaires, de véhicules, de station spatiales ou des hybrides de tout cela, ensemble.
Ici, dans la représentation des idées, Joe Neill a découvert la charnière entre art et science. Il a construit des ponts entre le concept et le visuel au contraire des tendances actuelles il a favorisé le second aux dépens du premier. On ne se lasse jamais de regarder l’espace et la couleur des constructions de Joe Neill. L’efflorescence de ses dessins comme les petites sphères constituent en quelque sorte sa signature. Comme la métaphore d’une palette d’un artiste ancien, cette efflorescence dit : « ceci pourrait parfois ressembler à autre chose mais il s’agit toujours d’art, de grand art ».
Cynthia Nadelman
Cynthia Nadelman est critique d’art, auteur et poète. Elle vit à New York. Elle est rédactrice à la revue ART NEWS.
