New York
par Lélia Mordock
A l’occasion de l’exposition « New York » de Joe Neill à la Galerie Lélia Mordock à Paris d’octobre à décembre 2000, Lélia Mordock publiait ce texte dans la plaquette de présentation de l’exposition.
Joe Neill "New York" - Exposition Personnelle
Joe Neill appartient à cette génération d’artistes américains dont le travail tend à marquer les paysages, et s’appuie sur un rêve d’espace. Imprégné dans son enfance par les paysages industriels implantés sur les massifs anciens de Pennsylvanie, inspiré depuis le début des années 80 par les recherches scientifiques portant sur la création et l’évolution de notre univers, Joe Neill, architecte de l’impossible, nous propose des visions d’un univers en expansion. La terre y occupe une position centrale, axe coloré autour duquel se déploie un monde infini de plis, de courbes… Le carton, le bois, les résines, le vinyle s’assemblent dans un enchevêtrement complexe pour former des planètes imaginaires, des cathédrales de l’espace, nous convier à un voyage intersidéral.
Joe Neill dans le désordre de son atelier cherche un nom pour ses cités imaginaires, découpes de carton aux mille circonvolutions. Qui n’a jamais rêvé d’un voyage dans l’univers ? Je les vois flottant à la dérive dans l’espace, amarrées à une quelconque station spatiale où libres de toute gravité, nous volons d’un étage à l’autre sous le regard muet des étoiles. Nous sommes en orbite autour de je ne sais quelle planète imaginaire dans la précision du trait et le lyrisme de la courbe… Il y a des jardins aux crayons de couleur, des chemins aux encres de chine, des parcs irisés, il y a même des fontaines chromatiques ! Nous nous promenons dans une tour de Babel, cathédrale de l’Espace qui n’atteindra jamais le ciel puisqu’elle y est déjà… naviguant bien au-delà de notre stratosphère dans une dimension indéterminée de l’espace-temps.
La grande aventure de la deuxième moitié du vingtième siècle fut le voyage sur la lune imaginé par Cyrano de Bergerac et les poètes et dramaturges baroques du XVII e siècle relayés par Jules Verne deux siècles plus tard. Qui d’entre nous ne se souvient des premiers pas de l’homme sur la lune ? Cette aventure que nous avons tous vécus les yeux écarquillés devant notre poste de télévision, Joe Neill nous y ramène en nous offrant un jardin des délices de l’univers aux couleurs américaines des granges et des mers.
Ses sculptures, comme ses dessins ont un centre, il ou trou noir autour duquel gravitent des sphères, d’où partent des lignes d’énergie… nous sommes à l’entrée du labyrinthe, au bord du Styx, et nous nous souvenons des maquettes du système de Ptolémée dans la grande galerie qui surplombe les jardins du Vatican.
Architecte d’un futur aléatoire, illustrateur d’un des rêves éternels de l’humanité, Joe Neill nous fait partager ses visions grâce à ses dessins et ses sculptures. Il nous entraîne très loin, dans un univers qui est peut-être tout proche.
Lélia Mordoch, 24 août 2000